Une critique de source avec une pro!

Je ne sais trop si c'est ici que je dois poster ceci mais ceci est un article réalisé avec la collaboration d'un mienne amie ci-devant historienne médiévale. Lui aussi fera partie de mon site...Un jour...


Réflexions sur la fiabilité des sources iconographique dans le domaine royal français au milieu du XIII° siècle.

Ma réflexion part des faits suivants :

1°)la Bible de Maciejowski est une source universellement usitée par les « reconstituteurs » (NB j’emploie ce mot à dessein car pour moi il n’existe pas de reconstitution mais rien que de l’évocation –voir page Démarche). Or il est notoire que ladite Bible est une œuvre commandée sous le règne de Saint Louis, sans doute par le Roi lui-même.

2°) Lorsqu’on lit « la Vie de Saint Louis » de Joinville, on est frappé par le contraste que Joinville met en exergue entre les conseils et habitudes du Roi et ceux de son entourage (Joinville compris). Ceci est logique si on y réfléchit : le roi ne fut sans doute pas canonisé parce qu’il faisait tout comme tout le monde. Il est évident que le comportement du Roi tel que rapporté par Joinville est en opposition avec celui des gens qui l’entourent et qui, pourtant, font partie du même groupe social. Le Roi, fort de son autorité royale et de sa personnalité charismatique a certainement imposé une ligne de conduite morale, vestimentaire et autre par son exemple. Il est toutefois peu probable qu’en dehors de fidèles et de proches ces conseils aient été suivis d’effets. J’en veux pour preuve la difficulté que rencontre Philippe IV le Bel (le Maudit) à imposer les Lois Somptuaires qui pourtant sont imposées par le biais de sanctions judiciaires et pas par le simple conseil…

Dès lors toute œuvre commanditée par Saint Louis sous son règne et particulièrement après la Croisade est –en tant que source et pas en tant qu’œuvre- à mon avis sujette à caution dans tout ce qui fait l’ostentation. Le caractère dépouillé de la Bible citée plus haut s’explique bien plus par les demandes (ordres ???) royales que par une volonté de véracité (absente d’ailleurs selon les historiens de l’art à cette période de l’art pictural occidental). Si les équipements militaires sont représentés avec un luxe de détail impressionnant le dépouillement des étoffes, des ceintures, des vêtements civils ne reflète très probablement qu’imparfaitement la réalité de la noblesse du milieu du XIII° siècle. Il suffit de sortir du domaine royal pour s’en rendre comte. Déjà en Flandres les motifs décoratifs sont légions, on sait qu’en Angleterre, à cette époque les ceintures sont cloutées de décorations (quarte ou quintefeuilles par exemple –Dress Accessories Museum of London). On trouve de même des représentations de vêtements décorés de (sans doute) broderies. Il est très significatif que les personnages représentés « brodés » dans la Bible de Maciejowski sont des « méchants » bibliques : exemple de Saül tout particulièrement. Il est aussi intéressant de constater que dans ce fameux ouvrage le port du surcot n’est en rien systématique. Est-ce une volonté d’orientaliser et de faire vrai (le port du surcot ayant pu être plus anecdotique sous le climat de Terre Sainte). Est-ce une volonté de « coller » aux habitudes royales de simplicité (un seul vêtement là où d’autres en portent deux), est-ce l’habitude générale ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une tendance générale car de nombreuses autres sources (Guillaume de Tyr, Bible d’Oxford…) témoignent du contraire. Les deux autres options sont par contre plausibles.

EN conclusion de ma réflexion, je dirai que baser sa reconstitution sur la Bible de Maciejowski et essayer de représenter un personnage qui en serait sorti me semble peu rigoureux ou risque de faire tendre vers ce travers honnis des « reconstituteurs » : représenter l’exception plutôt que la règle.

Wahou, ça c'est du pavé dans la mare.

Attention danger, à ne pas mettre entre toutes les mains, sinon y'a des dents qui vont crisser et des fesses qui vont se serrer.

Ceci dit, rien que par esprit de provocation (j'aime bien ), une diffusion sur d'autre forum pourrait lancer de bien sympathique débats.

Oui je vois ce que tu veux dire...
Mais je ne suis pas comme ça...Ou bien si justement...
Mais tu vois mon idée est plutôt d'informer que de polémiquer donc, je préfère venir ici...

C'est très très impressionnant de discuter avec quelqu'un qui a été formé à critiquer une source. En plus elle est très sympathique.

edit: je fais des fotes de débils sur PC

ça rejoint pas mal ce qu'on pensait et ce que pensait Yrwanel de la bible en question...

C'est clair. Mais ce qui est intéressant c'est que ça appelle à ouvrir l'oeil sur TOUTES les sources de l'époque dans la région concernée.

Et je ne vous ai pas écrit ce qu'elle pense des sources "allégoriques" (qui sont quand même majoritaires...) toujours sur le plan de l'évocation.

mais encore?

c'est un résumé parce que je suis en train de rédiger au départ de mes notes: Une allégorie étant toujours porteuse d'un message plus ou moins ésotérique, sa fiabilitié sur le plan de la "vérité" des faits représentés est virtuellement nulle.

Un exemple dans Méméenski, on voit un cavalier se faire couper en deux par une curieuse arme d'hast porté par un cavalier (j'ai pas le nom de la planche en tête) et bien comme le cavalier représenté est un vaincu on exagère sa défat pour rendre la victoire plus éclatante encore. Or dans la Bible, les vaincus se révèlent toujours avoir mal servi le tout puissant donc logique de les représentet démembré ou coupé en deux.

La possiblité pour un cavaleir de couper son adversaire en deux de la sorte n'est pas pour autant avérée contrairement à ce que certains estiment. Tant qu'on n'aura pas de preuve archéologique (genre crane proprement fendu associé à un sternum tranché) tout ce qu'on pourra dire c'est que l'image est jolie. Je ne dis pas que c'est impossible je dis que ceux qui en tirent ce type de conclusions sont peu fiables niveau interprétations des sources

et si l'allégorie représente une femme en train de combattre, quelle est ta position sur le sujet?

Si la femme est jolie...Aucun obstacle.
Plus sérieusement:
Au XII° l'emperesse Mathilde (femme de Geoffroy Plantagenêt et mère du futur Henri II) combat avec les hommes, au XIV on parle de Jeanne de..Beaufort, je crois en Bretagne.

Sur l'allégorie je réponds la même chose que ci dessus mais sur la possiblité des femmes au combat je reponds oui tout en sachant que c'est très loin d'être la norme, très loin d'être accepté sans problème et que sans doute la postition n'est pas la même partout ni en tous temps (je ne connais pas d'exemple au XIII°).

Sur l'historicité je dirais donc oui mais avec réserves. Sur l'allégorie, tu en as une en tête (Judith, peut être?) je dirais c'est allégorique donc prudence, tu remarqueras que je n'étaie mon raisonnement sur la possibilité que sur des sources textuelles.

Je pense que si interdiction il y eut à certain moment elle fut de nature religieuse mais je n'ai pas vraiment cherché. Par contre la phrase célèbre "la Chevalerie ne passe point par les femmes" ne signifie pas qu'une femme ne peut être chevalier mais que la chevalerie n'est pas héréditaire. Ceci dit je n'ai pas d'exemple de femme adoubée.

c'est Jeanne de Montfort, mais on peut ajouter Isabelle de France et Mahaut d'Artois qui montaient au combat...

je trouve que ta vision de la chose est saine... car contrairement à pas mal de monde dans le med, tu ne te lances pas dans l'affirmation péremptoire. et ça c'est bien....

Juste Montfort! Morbleu! Et elle avait une "copine" qui faisait pareil mais ça date de ma lecture de Pierre Naudin il y a un moment et je ne sais plus bien.

Et euh...Merci

jeanne de Penthièvre?

Car elle aussi prenait les armes... non?

Merci Verstringe pour cet article qui résume aussi ce que je pense de pas mal de "sources" histo

Les seules sources Histo incontestables sont celles de Spa (attestées sous Charlemagne et celles d'Aix) plus quelques autres .
Me doutait que ça allait plaire.

Oui c'est Jeanne de Penthièvre

interessant tout ça ...a méditer ...
Ulfdis , tu dois étre ravie de ces infos ?

Verstringe a écrit:

Oui c'est Jeanne de Penthièvre

Ma suzeraine....

@Christine: je connaissais déja ces infos sur les femmes combattantes. J'apprécie surtout l'article de départ qui remet un paquet de choses à leur place.

Cette bible est une ''source'' c'est évident cependant la spécialiste attire notre attention sur le fait qu'il faut relativiser cette même source .
Comme souvent le croisement de sources est plus pertinent que le pompage à 100% d'une seule et unique source

l'idéal étant d'avoir les 3 types de sources
-la piéce archéo
-les écrits
-les enluminures , statues....

Il est d'ailleurs assez rare d'avoir les 3 types pour un sujet

Quand il ne reste que les sources BD (enluminures...) il en faudrait plusieurs pour se faire une idée juste et encore parfois ça polémique (cf le célébre casque Carolingien)

Tout à fait Rodoric, l'important dans le truc n'est pas la source citée par elle-même mais la démarche qui mène à sa relativisation.

Un très bon bouquin qui met en lumière la critique des sources par son auteurs est "Richard Coeur de Lion" de John Gillingham (le mec est quand même considéré comme le spécialiste mondial du sujet donc il sait de quoi il parle et bien c'est fort intéressant de voir comment il mène l'enquète en étudiant ses sources.